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Au fil de la soie
La filature Daussat
dont il ne
reste que quelques vestiges, avec la maison de maître ( la grande maison blanche sur la photo - on voit la cheminée de la chaudière ! ) et la
coconière, bâtiment qui a longtemps abrité le bureau de poste du Village.
la filature de Lomède
du Pont de Peyregrosse.
Vocabulaire :
Pour mieux comprendre cette histoire des
filatures il faut compléter cet article par quelques définitions.
Dans une filature on
fait du "filage". Le filage c'est la transformation du fil qui
constitue le cocon en fil de textile, plus particulièrement la première partie
du processus - le tirage - qui conduira à faire le fil de soie
"grège" .
La fabrique, c'est l'usine de transformation du fil grège en fil
tissable.
Le moulinage, c'est l'opération qui consiste à transformer le fil
de soie par une série d'apprêts mécaniques de torsion et de doublages pour
augmenter sa résistance.
La coconière c'est le lieu ou sont entreposés les cocons avant
d'être filés.
Décoconer c'est enlever les cocons frais des rameaux de bruyères
auxquels ils sont attachés. C'est une opération collective. Généralement on est
assis sur des chaises autour d'un grand drap de jute qui reçoit les cocons. Ce
drap est ensuite noué aux quatre coins et on porte ce fardeau à la coconière.
C'est une opération qui est souvent l'occasion d'une fête car c'est la fin
d'une étape, celle de l'éducation ou élevage.
La banque c'est la
table de travail des fileuses. Elle porte les bassines.
La batteuse, c'est
l'ouvrière qui avec une escoubette, va rechercher le début du fil
sur le cocon. La fileuse ou tireuseest chargée de
dérouler ce fil pour l'enrouler sur un tour.
La tourneuse est
l'ouvrière qui est chargée de mouvoir les tours. ( les tours seront modernisés
et actionnés par la force motrice de l'eau amenée à la filature par un béal
( canal)
La banque supporte les guindres qui
sont les dévidoir destinés à retenir la soie ouvrée après le moulinage.
Le magnan c'est la
chenille du papillon de nuit Bombyx du murier ou Bombyx mori qui s'enferme dans
un cocon de soie pour se transformer en chysalide et en papillon adulte.
La magnanerie c'est le
bâtiment où l'agriculteur éduque ou élève les vers à soie.
La graine c'est les
oeufs du papillon Bombyx du murier et on les pèse en once c'est
à dire 26 à 27 grammes.
1/ Le beau bâtiment qui domaine encore
le village à St André est une filature établie par JP Durand en 1812.
En 1822 M.Durand fait installer une chaudière Gensoul en cuivre pour servir 24 bassins
|
Détail des bassins. Les guindres ont disparu. |
Vers 1850 on dénombre 52 bassins au premier étage. Ce sont sans doute les mêmes toujours en place aujourd'hui sans aucun mécanisme ( guindres) . ( 2 rangées de 27 bassins portés par un mur maçonné en briques. Toutes les bassines en terre cuite sont en place et c'est très exceptionnel dans la région. Les Guindres et autres supports ont disparu )
Notable Local, M.Durand est élu maire de
Saint André. Il garde la filature jusqu'en 1871.
Elle est reprise par Camille Caussignac
qui assure un fonctionnement difficile jusqu'en 1885.
Sa fille Hélène reprend la direction à la mort de son père en 1895.
La filature fonctionne jusqu'en 1900.
2/ La filature Daussat
Elle a disparu lors de la création de la route reliant le Mazel à Mandagout via Saint André avec la construction du pont actuel au dessus du ruisseau et du jardin . La base du bâtiment se distingue encore au milieu du grand mur qui soutien la route actuelle. On voit très nettement un décroché assez large. Le rez de chaussée du bâtiment était à ce niveau que l'on retrouve au bas de l'actuel WC public qui était le WC de la filature. Au niveau de la route on voit encore encastrés dans le mur qui soutient le jardin, les 5 piliers qui soutenaient les larges baies vitrées qui éclairaient l'atelier.
Le grand bâtiment à fronton triangulaire
dont l'accès se fait par un portail dans la grand'rue, était le maison de
maître. Ont longtemps été propriétaire de ce bâtiment les Giuntini qui avaient
un lien de parenté avec les Daussat. ( voir leur tombe au cimetière de St
André. )
La maison qui servait de coconière existe encore aujourd'hui, c'est la maison qui a longtemps accueilli la poste du village.
La
grande maison avec fronton triangulaire central, est la maison des propriétaires de la
filature
(
Daussat puis Giuntini)
L'alimentation
en eau venait de Laval . La conduite exites encore. Elle alimente la fontaine qui est dans
la cour et il y a un très grand réservoir sous la maison à gauche quand on
entre dans la cour côté rue.
La conduite passe sous la rue du haut et
remonte tout droit dans la calade qui allait jusqu'à la forge de M.Gély . On
voit encore en haut de la grande rue, une trappe de regard
|
Détails. Le niveau de la route actuelle
est au niveau du 1er étage à la naissance des grandes baies vitrées. |
La filature a été détruite mais on voit
encore quatre piliers (blancs) et au dessous les voutes de l'étage du bas de
la filature. |
|
les salles voutées ont été murées. |
Le pont a été construit en 1900
on a
ouvert le passage de la route en coupant les maisons et on a construit ces deux
niveaux
de
vérandas
mais
l 'ancienne veranda de la filature est celle qu'on voit de
l'autre côté du pont
La verrière de cette filature a été récupérée pour servir de véranda aux salles
de l'Ancien café de France, dont l'entrée est dans la rue en bas de la place au
début de la grand-rue. On peut la voir à partir du pont, vers le Nord à
droite.
Les tombes de ces familles au cimetière de Saint André mériteraient d'être sauvegardées par décision municipale, et entretenues par les services de la Mairie, au titre du caractère historique qu'elles représentent en mémoire des familles Caussignac et Daussat qui ont rendu d'éminents services à la population de notre commune.
Cela se fait un peu partout. Pourquoi pas à St André !
Tombe de la famille Daussat/Giuntini
Tombe de la famille Durand
3/ La filature Carrière du Pont de
Peyregrosse
Elle a d'abord été une forge, de type
"forge catalane" où son propriétaire, Monsieur Alexandre Méjean
faisait traiter du minerai de fer qu'il faisait venir de Saint Laurent le
Minier. Dans un ouvrage datant de 1878 d'Emilien Dumas sur une Etude
géologique, minéralogique, métallurgique et paléontologique, nous lisons
que " un décret impérial du 19 octobre 1808 autorise le
sieur Guillaume Méjean père, domicilié à Toumeirolles, commune de Saint Julien
de la Nef, à construire sur les bords du chemin de Valleraugue, et sur la
rivière de l'Hérault, au-delà du pont de Peyregrosse, commune de Saint André de
Majencoules, une usine pour le traitement du minerai de fer, par lui découvert
en 1806, sur la montagne des Deux-Jumeaux, contigüe à celle de mont Méjean dont
il était propriétaire, et au quartier de Ferrière, près de Saint Laurent le
Minier.
La première pierre de cette usine avait été posée en grande cérémonie un
an auparavant, le 15 septembre 1807. Une inscription destinée à en perpétuer le
souvenir fut placée dans les rochers granitiques de Peyregrosse qui dominent
l'usine. "
Qui connait cette plaque? existe-telle encore? où?
" Cette inscription portait : 1807, Napoléon 1er régnant glorieusement,
Méjean, de Ganges, estimé de ses concitoyens, établit ici une fonderie de fer,
cuivre et plomb. Jeune, il subjugua la fortune et la fixa par son industrie
dans ces riches vallées. Il les enrichit encore en domptant les métaux. Hérault
dans ton cours rapide, respecte cette inscription. L'amitié la confie au temps
et au granit de tes rivages.
Sur le revers on pouvait lire cette inscription :
D'Alphonse, préfet du Gard,
par un choix spécial du Souverain,
Saint-Paul, sous-préfet du Vigan;
Teulon, président du canton de Valleraugue,
" Mais cette fonderie fut loin de prospérer: vers la fin de 1810 le sieur Méjean réclamait déjà la protection du gouvernement. Parmi les causes de non - réussite on doit compter la distance d'environ 9 kilomètres qui séparait les mines de l'usine et les triages qu'on était obligé de faire pour séparer la pyrite mélangée au minerai de fer; enfin la cherté du charbon et l'obligation de refondre certains fers pour les purifier, restreignant aussi beaucoup les profits.
Au 1er juillet de l'année 1811, on arrêta l'extraction du minerai, et
l'usine cessa de fonctionner.
.... Depuis 1811 la fonderie de Peyregrosse était restée pour ainsi dire
abandonnée, lorsqu'en 1836 des ouvriers mineurs étrangers essayèrent d'y faire
quelques fontes du minerai de fer oxydulé du Cap des Mourèzes, près Le Vigan (
concession de Madagout) mais cette entreprise fut bientôt abandonnée.
Enfin la fonderie fut transformée, en 1838, par l'un des descendants de
l'ancien concessionnaire, en une belle usine destinée à filer les cocons et à
l'ouvraison des soies "
Les étrangers qui avaient tenté de faire
redémarrer l'usine, en 1815, étaient des Italiens.
Sur les fondations de cette première usine , M.Méjean associé à M. Carrière
originaire de St Laurent le Minier , fait construire le bâtiment actuel de 52 m
de long sur 8,5 m de large. Les travaux débutent en 1840.
C'est le bâtiment qui est immédiatement
sur la rive de l'Hérault. ( belle façade à voir depuis le pont ).
" Le local sera superbe, la fabrique ( le moulinage) sera en bas et par dessus il y aura le logement des ouvrières et contremaître, le logement de maître et pour une filature si jamais on veut l'établir. Nous n'avons pas besoin d'architecte et je me charge de la direction si ça peut te faire plaisir" écrit Emile Carrière à Alexandre Méjean.
Emile Carrière est un négociant filateur et moulinier de Ganges et commanditaire de la fabrique.
Il représente les intérêts de l'affaire à Lyon. Il acquiert le terrain et les droits d'eau à Maurice Delpuech de Lomède.
C'est d'abord un moulinage. avec 11 moulins et 20
banques de filage. Le moulinage initial occupait 20 ouvriers de douze à
dix-huit ans et vingt cinq ouvriers de dix-huit à quarante ans. Une roue
hydraulique est installée et le tout fonctionne en date du 26 mai 1841.
40 ouvrières travaillent là sous les ordres d'un
contremaître très dur qui provoque de vives réaction de ces ouvrières, obligeant
M.Carrière à intervenir fréquemment.
L'atelier de Peyregrosse a été mis en activité le 26 mai 1841. Le moulinage
initial occupait vingt ouvriers de douze à dix-huit ans et vingt-cinq ouvriers
de dix-huit à quarante ans.
En1843 une filature de 86 bassines est ajoutée. Au début du XX e siècle et en
1909, le filateur occupe 190 ouvriers sur le site de Peyregrosse. En 1927 les
effectifs sont ramenés à soixante puis à cinquante en 1932.
Le bâtiment est ensuite utilisé comme bonneterie pour la fabrication de bas en fibres synthétiques ( nylon). La façade du bâtiment côté route est alors défigurée.
C'est du pont que l'on voit le mieux l'ampleur du bâtiment dans son
aspect original.
(*) La forge catalane,
ou forge à la catalane, est un ensemble de procédés technologiques
destinés à obtenir du fer, par réduction directe du minerai —
sans passer par l’intermédiaire de la fonte comme dans un
haut-fourneau — puis cinglage du massé obtenu. La forge
catalane utilise une force hydraulique pour actionner, d'une part, un marteau
ou martinet , et d'autre part un système de ventilation, la trompe,
destiné à entretenir la combustion du foyer. Le terme désigne aussi bien la
technologie en soi, que le bâtiment où s'exerce cette activité. Contrairement à
ce que peut laisser penser son nom, ce type de forge a été utilisé un peu
partout du XVIIe au XIXe siècle dans
les zones de montagne
4/ En 1856 Maurice Delpuech de Lomède
fait construire un deuxième atelier, permettant
de séparer filature et moulinage. C'est le bâtiment plus en amont et plus en
bordure de la route, dit " atelier de Lomède". C'est ce bâtiment où
ont travaillé bien de nos mères ou grand-mères. Elles étaient 80, desservies
souvent par les jeunes filles dès qu'elles avaient passé le certificat d'étude.
Peut-être même avant !
Bâtiment Delpuech de Lomède |
En 1870 Emile Carrière reprend les deux
bâtiments et réactualise le tout. Il se retire en 1885 et cède la direction de
l'ensemble à ses deux fils Emile et Paul.
Paul loge sur place et fait éclairer les
bâtiments à l'électricité ce qui est assez remarquable car l'électricité a été
installée plus tardivement dans la vallée (1920-1925).
190 ouvrières et ouvriers travaillent là jusqu'en 1913. En 1927 les effectifs
sont ramenés à soixante. Puis l'affaire continue de décliner et il n'y a
plus que 50 personnes en 1932.
L'ensemble sera repris par la Société
des Filatures de soie des Hautes Cévennes.
Plus tard l'activité se transformera en
bonneterie de nylon.
Il reste à écrire encore ici beaucoup de choses et notamment à enregistrer les souvenirs de ceux et celles qui ont travaillé là et qui vivent encore. beaucoup on entendu leurs parents raconter la vie et le travail dans ces bâtiments. ce serait intéressant d'enregistrer cela.
Il pourra y avoir de
l'aide pour la rédaction. Ce n'est pas la forme qui importe, c'est le contenu !
L'important c'est de parler de tout ça et de noter.
Les bâtiments du Pont de Peyregrosse sont eux aussi inscrits à l'inventaire des monuments historiques et bâtiments protégés.
Réf. Inventaire
général du patrimoine culturel . Base Mérimée
http://patrimoine-de-france.com/gard/st-andre-de-majencoules/forge-catalane-puis-filature-et-moulinerie-de-soie-mejean-puis-carriere-3.php
J'invite ici tous ceux qui possèdent des
ouvrages comme celui sur la famille Durand ou d'autres sur la famille Carrière,
à ne pas garder trop jalousement pour eux ces ouvrages mais à les partager pour
l'intérêt de tous. A quoi sert de garder ces documents au fond d'une armoire
ou dans un tiroir !
Bien sûr ils garderont l'entière
propriété de leurs biens mais ce serait une belle contribution à l'histoire du
village que de pouvoir faire connaître ces ouvrages et l'ensemble de ces
données au plus grand nombre. Merci d'avance .
Jean Mignot
SOURCES :
"Les chemins de la soie" Itinéraires culturels en Cévennes Espaces Ecrits 1993
( on trouve encore
quelques exemplaires de cet ouvrage dans des invendus chez des libraires. Voir
sur internet les sites spécialises - C'est cet ouvrage qui a été offert à notre
ancien instituteur Georges Blanc)
"Au fil de la soie - Architectures d'une industrie en Cévennes -" Images
du Patrimoine 1991 - Inventaire général des monuments et des richesses
artistiques de la France .
(Même remarque que
pour l'ouvrage précédent pour se le procurer. )
Archives et dcuments personnels et souvenirs
familiaux
On lira avec intérêt le livre de Daniel
Carrière ( petit-fils d'Emile Carrière) paru chez l'Harmattan en
2006 : " Emile Carrière un professeur dans les
tranchées" dans la série "Graveurs de mémoire"
5/ Il convient d’ ajouter ici un mot sur
l’ensemble industriel de Pont d’Hérault.
En aval du pont, sur un territoire de la
Commune de Sumène, le long de la D 999 la Veuve Martin, utilise le droit
d’eau d’un moulin à blé lui appartenant, et fait établir là, en 1847, une
peignerie de bourre de soie. La fabrique se développe assez vite puisqu’en 1857
elle occupe déjà 120 à 130 ouvriers. Elle fonctionne jour et nuit. Alfred
Martin qui en hérite installe une machine à vapeur et des étuves. A partir de
1887, l’ensemble est racheté pas la S.A. de filature de Schappe à Lyon et
se développe encore plus. L’atelier de peignage est agrandi. On ajoute des
lavoirs, un atelier de décreusage, une terrasse et une salle de séchage, des
magasins et entrepots, un réfectoire et une cité ouvrière. On parle alors de
cette partie de Pont d’Hérault en disant « la Cité ».
En 1896 on compte 62 ouvriers, 32
ouvrières et 12 enfants.
Le manque d’eau en période d’étiage et
la pollution de l’Hérault entraînent la création d’un barrage et d’une série de
bassins de décantation.
Les derniers aménagements datent des
années 1930.
L’usine fermera en 1968 par manque
d’approvisionnement.
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